68ème session plénière du Haut Conseil culturel franco-allemand

La 68ème session plénière du Haut Conseil culturel franco-allemand (HCCFA ) / Deutsch-Französischer Kulturrat (DFKR), dont j’ai été nommé membre en 2021, s’est tenue le jeudi 21 novembre 2024 au ministère de la Culture et de la communication, rue de Valois.

Créé en 1988, le HCCFA (DFKR en allemand) est une structure bilatérale et binationale qui participe à la coopération culturelle franco-allemand, dans la suite du Traité de l’Elysée du 22 janvier 1963. Il regroupe des personnalités et des professionnels français et allemands représentant différents horizons culturels. Il conseille les gouvernements français et allemands en matière de politique culturelle, il met en œuvre, par l’intermédiaire de ses membres, des initiatives franco-allemandes dans différents domaines de la culture et il encourage notamment par le parrainage (sans aide financière), des initiatives franco-allemandes culturelles remarquables.

Pour plus de détails, voir le site du HCCFA/DFKR et suivre l’actualité du HCCFA/DFKR sur son compte LinkedIn.

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La 68ème session du HCCFA/DFKR

Cette session a été l’occasion de présentations et d’échanges très riches sur l’actualité franco-allemande en matière d’industries culturelles et créatives et de politique culturelle.

Pour voir mon post Linkedin sur la session.

L’ordre du jour de la session :

Restitution

Sur la restitution des biens spoliés les deux pays avancent sur la même voie. Un chemin lent et compliqué mais nécessaire pour la mémoire et la réconciliation.

Conséquences des élections européennes et législatives

Les députées EmmaRafowicz, députée européenne (S&D) élue en 2024, vice-présidente de la Commission culture du Parlement européen, et Brigitte Klinkert, députée française, ancienne co-présidente du bureau de l’Assemblée parlementaire franco-allemande  (2022-2024) sont intervenues sur l’agenda européen.

La nouvelle mandature de la Commission et du Parlement européen doit permettre de préserver les priorités européennes et de renforcer les actions des programmes CreativeEurope.

Durant la grande bataille pour la directive sur le droit d’auteur et le droit voisin de 2019 puis pendant la crise Covid, avec les mouvements comme France Créative et les études EY sur l’importance centrale des ICC pour l’UE, nous avons su construire une stratégie gagnante pour changer le regard souvent caricatural sur les secteurs culturels européens, les créateurs, les artistes, les acteurs économiques et les institutions publiques qui contribuent à l’économie de la culture et à la création artistique.

Dans un ouvrage paru au Seuil en 2019 et diffusé en anglais en 2022 par le think tank EuropaNova, (Et si on recommençait par la culture, plaidoyer pour la souveraineté européenne), j’avais rappelé que l’UE dispose de financements très faibles pour la culture – moins de 1 pour 1000 de son budget – mais que son rôle pour la régulation est décisif.

 Les nombreuses négociations, souvent très conflictuelles, menées entre 2010 et 2019, décrites au chapitre trois du livre, depuis le rejet du Traité Acta en juillet 2010 par le Parlement Européen, jusqu’à l’adoption de la Directive de 2019 sur le droit d’auteur, l’ont bien illustré. L’UE a régulièrement montré la voie et son pouvoir régulateur influe de fait sur le reste de l’Europe mais aussi rayonne dans le reste du monde. Les ICC et leurs modèles de financement et de régulation en Europe sont l’un des leviers essentiels de soft power européen sur le reste du monde.

Avec la nouvelle administration américaine, être ferme et lucide sera vital dans ces domaines où les USA voudront avantager leurs acteurs ICC et plateformes.

Les nominations à la nouvelle Commission pèseront dans les rapports de force à venir, avec les risques d’une baisse des soutiens ou d’une réouverture de la Directive droit d’auteurs de 2019 vers l’affaiblissement de la protection des droits à rémunération et du financement de la création européenne qui en dépend.

Projet de plateforme européenne culturelle et médiatique d’Arte

Marysabelle Cote, directrice de la gestion d’Arte G.E.I.E. a présenté les développements d’Arte ces dernières années et notamment sa stratégie visant à un changement d’échelle, d’une chaîne franco-allemande à une plateforme culturelle européenne. Cette stratégie s’appuie sur une européanisation éditoriale multilingue, de 2, puis 6, et un jour à 24 langues, et sur une distribution renforcée à l’échelle de l’UE.

Les financements complémentaires aux contributions française et allemande sont notamment trouvés par des partenariats avec d’autres médias européens, y compris dans la presse, et la candidature à des appels à projet de l’Union Européenne (principalement Creative Europe Media)

Il faut soutenir l’ambition de Arte de devenir une plateforme pour tous les Européens.

Sa stratégie de recours à l’IA est prometteuse : appui à la production, à l’éditorialisation et à la distribution, au développement du multilinguisme (cible : les 24 langues officielles de l’UE), à l’accessibilité et à l’écoresponsabilité.

Le secteur des jeux vidéos en Europe

La députée Laurence Farreng a présenté les grandes lignes de son rapport sur les jeux vidéos qui fournit la base d’un plan d’actions pour un secteur parmi ceux où l’Europe dispose de leaders et doit renforcer ses atouts. L’une des avancées notables de la précédente mandature a été l’intégration dans le champ des ICC du secteur des jeux vidéos dans la stratégie de l’UE.

La Commission européenne nouvellement mise en place devra confirmer la possibilité d’élargir les soutiens aux acteurs européens des jeux vidéos.

Thierry Baujard a présenté l’action de Spielfabrique en Allemagne et souligné le peu de liens, à ce stade, entre nos deux pays, autour des jeux vidéos. Il a présenté les dispositifs de soutien qui existe dans de nombreux pays d’Europe, comme en France, sous l’autorité du CNC et signalé que le Danemark est le premier pays où l’aide aux jeux vidéos a été séparée de celle au cinéma et à l’audiovisuel.

Double imposition de la rémunération des artistes entre la France et l’Allemagne

Anais Lukacs de Mobiculture et Sebastian Hoffmann de Touring Artists ont présenté le problème de la double imposition fiscale qui pèse sur les artistes en cas de tournées dans les deux pays. Cette difficulté est souvent si dissuasive qu’elle empêche pratiquement certaines tournées.

La révision de la convention fiscale franco-allemande devrait être l’occasion de réduire les obstacles à la libre circulation des artistes et notamment la double imposition qui existe aujourd’hui.